Les décrets d’application de la nouvelle «loi asile-immigration» du 26 janvier 2024 n’ont pas encore été tous signés. Mais cette loi a déjà fait bien du mal à la partie la plus faible de la population demeurant sur le sol français: réfugiés, sans-papiers et surtout « mineurs non accompagnés ». Et pourtant voici qu’au sein du nouveau gouvernement on rêve déjà à la mise en place, pour ces troupeaux de bétail humain, de tout un système national d’abattoirs.
La discussion sur la nouvelle (et déjà dépassée) loi, a commencé après le «sommet» 2021 Afrique-France à Montpellier, où le président avait invité les «jeunesses africaines et françaises», au lieu des chefs d’État. Au sein des pays alliés, ex-colonies françaises, il avait choisi les associations liges en lien avec le ministère des Affaires étrangères: il n’a pas invité celles qui luttent depuis bien des années, telles la Csp75 ou d’autres.
Dès février 2021, lors d’un débat avec Marine Le Pen, Darmanin a déclaré qu’elle était «molle». Il était clair qu’il voulait mener une politique encore plus dure que le Rn. La discussion a traîné jusqu’en 2024 et le Rn a bien sûr voté la loi. Nous avons tout fait pour la dénoncer: tracts, affiches, banderoles, meetings, manifestations…
Aujourd’hui, grâce à cette loi, les services de l’État surveillent l’être humain dans tous les aspects de son comportement et de ses croyances. Pour les immigrés, il ne s’agit plus seulement d’apprendre le français, mais, par exemple, selon un décret du 8 juillet 2024, ils doivent respecter, entre autres, «la dignité de la personne humaine, […] l’intégrité territoriale, définie par les frontières nationales, et ne pas [se] prévaloir de [leurs] croyances ou […] convictions pour [s’]affranchir des règles communes régissant les relations entre les services publics et les particuliers».
Très bien! Mais pourquoi donc l’État est le tout premier à violer ces principes qu’il a lui-même si solennellement affirmés dans ses lois? Dans les services publics (préfecture, flics dans la rue, agents de la Ratp ou de la Sncf, hôpitaux, postes, etc.), cela veut dire que les immigrés doivent se laisser tutoyer et rudoyer sans réagir – sous peine d’expulsion. Les fonctionnaires de l’État ont carte blanche pour les humilier. Et les immigrés ne peuvent exprimer aucune position politique, par exemple, en faveur de l’indépendance de la Martinique ou de la Nouvelle-Calédonie, ce serait remettre en cause la France. Et quiconque n’apprécie pas l’opinion philosophique, religieuse ou politique d’un «étranger» pourra le dénoncer: cet «étranger» ayant manifestement commis un «acte de prosélytisme exercé sous la contrainte, la menace ou la pression». Ce qui l’empêchera ensuite d’avoir un premier titre de séjour, ou même le privera de son titre s’il en a déjà un.
Il faut préciser que la préfecture s’inspire déjà des nouveaux décrets non encore signés, et qu’elle a durci les conditions de dépôt des demandes de papiers, avant même que ces décrets soient discutés au parlement. Elle les applique même de façon rétroactive. Depuis janvier, quand des personnes qui ont écopé d’une Oqtf en 2021 veulent déposer une demande, on leur rétorque que le refus est toujours en cours. Depuis janvier, les Oqtf de 3 ans nous tombent ainsi dessus de façon illégale.
Nous avons proposé au collectif de la Marche des solidatités d’attaquer devant le Conseil d’État certaines dispositions de la loi. Car, entre le vote de la loi au parlement et celui des décrets d’application, le ministre de l’Intérieur interprète la loi dans un sens toujours plus répressif et raciste, et on peut de toute façon contester un écart grandissant entre la loi et ses décrets.
Le problème, en France, c’est le racisme systémique, et puis les lois racistes. Quand deux jeunes font une bêtise comme conduire une moto ou une voiture sans permis et qu’ils « refusent d’obtempérer », ils ne sont pas traités de la même manière, selon leur couleur de peau. Dans un cas le gars est arrêté (comme le fils de Nadine Morano, etc.); dans l’autre, on lui tire dessus (comme Nahel et bien d’autres)…
Depuis le début des années 1990, les contrôles policiers se multiplient, dans les rues, sur les chantiers, dans les transports, partout. Les sans-papiers sont harcelés en permanence. Les immigrés qui arrivent par la Méditerranée ou qui échouent à traverser la Manche, sont maltraités par la police. L’État ne fait rien pour les aider à surmonter toutes les épreuves et les horreurs qu’ils ont vécues avant d’arriver ici; et le mieux c’est que, après cela, les politiciens se demandent pourquoi «l’image de la France se dégrade»! À cela s’ajoutent les mensonges ignobles que racontent en permanence les réseaux sociaux, les chaînes de télévision, YouTube, etc.
La gauche pense qu’il ne faut pas trop parler du racisme, que les racistes sont «fâchés mais pas fachos». Elle a peur du Fn et croit que, si elle défend ouvertement les immigrés, elle va perdre des voix. Alors elle choisit de seulement réclamer la régularisation d’une catégorie à la fois: tantôt les «demandeurs d’asile», tantôt «les travailleurs», tantôt les «couples avec enfants scolarisés», jamais «tous les sans-papiers» quelle que soit leur «situation administrative».
Les médias et les partis de droite et d’extrême droite racontent constamment des bobards sur les allocations chômage, l’Apl, ou le Rmi/Rsa que toucheraient les sans-papiers. Mais la gauche ne remet pas en question systématiquement les mensonges effrontés des journalistes ou des hommes politiques, notamment durant les campagnes électorales qu’on a presque tous les ans. Du coup, les gens croient ce que les médias leur racontent et leurs attitudes sont de plus en plus hostiles contre ceux qu’ils appellent les «migrants économiques». Économiques en effet, si on se borne au pur et simple intérêt matériel de l’économie française et/ou européenne, auxquelles ils apportent tant de bénéfices en échange de tant de mal.
Pour finir, il faut ajouter que non seulement les préfectures participent du racisme général, mais qu’en plus elles fonctionnent sur des critères politiques, par rapport aux pays d’Afrique. Quand la France a de bonnes relations avec un pays et de mauvaises avec un autre, les préfectures choisissent de privilégier les dossiers des Africains qui viennent du «bon» pays, contre ceux qui viennent du «mauvais»…
Hélas! Les «droits de l’homme» restent un mirage de bonheur social à conquérir partout dans le monde. Mais en France, aujourd’hui plus qu’ailleurs. Sous la houlette du président, du premier ministre, et du Rn, le nouveau ministre de l’Intérieur brûle d’entrer en campagne, et d’ouvrir la chasse à l’homme. Ce qu’il veut? Se faire, lui et son armée de flics patriotes, les exécuteurs des basses œuvres du régime. Bref, faire du sol sacré de la République le haut lieu mondial de la mise à mort de cet allophone gibier de potence: réfugiés, sans-papiers, et autres «étrangers».