Royaume-Uni : Émeutes racistes et islamophobie. Un exemple pour l’Europe

Royaume-Uni : Émeutes racistes et islamophobie. Un exemple pour l’Europe

Le 29 juillet dernier, dans la ville balnéaire de Southport, en Angleterre, un adolescent entré dans un cours de danse a tué 3 fillettes à coups de couteau et en a blessé 5 autres ainsi que deux adultes. Faussement attribué à un réfugié musulman, cet acte atroce a provoqué, pendant une semaine, une série d’émeutes racistes dans plus de 20 villes anglaises et nord-irlandaises. Un millier de personnes ont été arrêtées, dont la moitié poursuivies en justice.

Les travailleurs asiatiques ou africains immigrés au Royaume-Uni depuis la Seconde Guerre mondiale savent d’expérience que la police, la justice et les politiciens ont souvent des préjugés contre eux, même si, tant bien que mal, ils essaient de vivre en harmonie avec leurs voisins dans les quartiers populaires où ils habitent les uns à côté des autres.

46,2% des habitants du Royaume-Uni se disent chrétiens, 37,2% sans religion, 6,5% musulmans et 1,7% hindouistes : ce qui montre à quel point le poids de l’islam et de l’hindouisme est secondaire ; et à quel point la propagande islamophobe de l’extrême droite est mensongère. Selon le dernier recensement ethnique officiel de 2011, 80% des Britanniques se jugent « blancs » et 20% « non blancs » : ce qui, là aussi, démolit tous les discours sur le « grand remplacement » de l’autre côté de la Manche.

Les émeutes racistes et antimusulmanes n’ont pas commencé le 29 juillet 2024, après le dit meurtre de 3 fillettes par un Britannique chrétien. Elles ne sont d’ailleurs pas le seul produit de la propagande de l’extrême droite, organisée ou diffuse, comme le prétend le gouvernement britannique. Au contraire, un climat xénophobe et raciste est entretenu depuis des années par un certain nombre de dirigeants du Parti conservateur, parmi lesquels se sont distingués la cheffe du parti, Margaret Thatcher, et surtout le député et ministre Enoch Powell.

Le « powellisme » eut une influence notable sur le débat  public et social anglais de la seconde moitié du XXe siècle, en prétendant notamment que les immigrés indiens et pakistanais qui s’installaient au Royaume-Uni allaient aussi y importer des conflits semblables à ceux qui avaient abouti à la séparation entre l’Inde et le Pakistan en 1947. Et Margaret Thatcher, dans un discours de janvier 1978, déclara ce que beaucoup d’autres politiciens britanniques et européens allaient reprendre dans les décennies suivantes : que «les gens craignent vraiment […] que ce pays soit submergé par une culture différente».

En août 2018, dans une interview, Boris Johnson (un an avant qu’il devienne Premier ministre) assimila les femmes musulmanes portant la burka à des « braqueuses de banques ».

Aujourd’hui même, en 2024, ce sont la baronne Caroline Cox et Lord Pearson, membres de la Chambre des Lords, qui mènent l’offensive dans les médias comme à la Chambre, où ils posent régulièrement des questions pour attiser la xénophobie, le racisme et l’hostilité contre les demandeurs d’asile. Ils nourrissent ainsi la paranoïa contre les musulmans. Cox est une catholique militante en contact étroit avec de puissantes organisations chrétiennes réactionnaires. Sa croisade est partagée par un évêque anglican, Ceiron Dewar, qui mène une campagne violente contre l’islam. Et c’est aussi le cas du rapport Shawcross et du programme gouvernemental Prevent qu’il a inspiré : programme qui, sous prétexte de détecter et empêcher la radicalisation islamiste des enfants et adolescents musulmans, s’est non seulement révélé inefficace, mais n’a fait qu’alimenter la paranoïa haineuse dans les établissements scolaires.

Haine également attisée par une partie des journaux : ce qui, au Royaume-Uni, où la presse est beaucoup plus lue qu’en France (par exemple le quotidien sensationnaliste et xénophobe Daily Mail a 2 millions de lecteurs), n’est pas du tout de faible importance. À cela s’ajoutent, bien sûr, les réseaux sociaux, Internet, et de nouvelles chaînes de télé comme GB News.

Depuis dix ans, le Royaume-Uni a connu au moins trois vagues de manifestations et attentats racistes et antimusulmans où les groupuscules d’extrême droite ont joué un rôle. La première, en 2013, ce fut lorsqu’un soldat fut assassiné en pleine rue par deux islamistes. Une dizaine de mosquées furent attaquées, alors que l’extrême droite manifesta dans la capitale et dans plusieurs villes.

En 2017, une série d’attentats djihadistes à Londres, puis à Manchester, firent en tout 27 morts et 150 blessés. Les manifestations antimusulmanes furent plus importantes qu’en 2013.

Aujourd’hui, en août 2024, les manifestations ont été encore plus étendues, et elles ont touché même l’Irlande du Nord. Parmi les manifestants il n’y avait pas que des fascistes, mais des hooligans et des gens du commun intoxiqués par les réseaux sociaux, et puis aussi des jeunes qui n’avaient qu’une envie : en découdre avec les flics, hors de toute motivation politique.

Certes, les émeutiers racistes ne sont pas tous membres de l’Edl, un groupuscule qui de fait n’existe plus depuis plusieurs années, depuis qu’il s’est divisé en plusieurs factions. Mais l’un de ses anciens dirigeants, Tommy Robinson, reconverti dans le rôle plus lucratif d’«influenceur» et de «journaliste-documentariste », diffuse constamment des messages sur X et a vu le nombre de ses fans dépasser les 900 000. Le 27 juillet 2024, deux jours avant le meurtre des 3 fillettes, Robinson et des agitateurs connus sur les réseaux sociaux avaient tenu un meeting à Trafalgar Square, à Londres. Six heures durant, entre 20 000 et 30 000 personnes ont écouté des discours contre les femmes, les homosexuels, les vaccins, les immigrés, l’islam, etc. : des propos délirants suivis par plus d’un demi-million de gens en direct sur Internet.

Lors de ce rassemblement de masse, ce Robinson, déjà condamné pour diffamation, projeta un film interdit parce qu’on y calomnie un écolier réfugié syrien de 16 ans, victime de brimades racistes, en le présentant faussement comme l’agresseur de ses camarades de classe. Après cette manifestation, ce film fut vu par 33 millions de personnes de par le monde, grâce au zèle anti-immigrés d’Elon Musk, le milliardaire patron de X (ex Twitter). Comme l’a souligné un ancien technicien vidéo qui pendant plusieurs années a travaillé pour Robinson, le total des vues cumulées des vidéos qu’il a contribué à monter dépassait les 500 millions de vues.

Maintenant, au-delà de leur diversité de forme et de propagande, au-delà même des attentats terroristes d’extrême droite sur le sol anglais, il faudrait prendre un peu de distance à l’égard de ces manifestations xénophobes, pour pouvoir affronter, et s’interroger calmement, sur ce qui se passe dans de nombreux autres pays, européens.

UN PHÉNOMÈNE EUROPÉEN

Depuis 1945 et jusqu’à 1974, on peut grosso modo parler de deux grandes périodes, avec de petites différences, selon les pays. En général, le chômage était faible et la protection sociale fonctionnait à peu près. Ce fut la période pendant laquelle, à l’appel du patronat européen, les immigrés ont commencé à devenir plus nombreux. Certes, ils vivaient dans des bidonvilles, des dortoirs et des logements surpeuplés ; ils touchaient de bas salaires ; ils travaillaient dans des boulots dangereux et salissants ; mais leur présence ne permettait pas encore aux petits mouvements racistes et fascistes de profiter de leur présence pour monter la population contre eux. L’extrême droite ne réussissait pas à obtenir plus de 5% des voix aux élections.

Depuis 1975 et jusqu’à aujourd’hui, la situation des immigrés a beaucoup changé : les meurtres racistes dans les rues (en Angleterre, en France, en Allemagne, en Italie, etc.), commis par des militants fascistes, par des individus racistes haineux en colère, ou par les nombreuses « bavures » policières, ont augmenté. Un peu partout des groupes de jeunes fascistes ont déclenché des incendies contre des foyers ou des immeubles habités par des immigrés, parfois avec des conséquences meurtrières. Des skinheads ont commencé à attaquer les sans papiers ou des gens leur paraissant « étrangers ». Par exemple, au Royaume-Uni, entre le début des années 1970 et 2013, le nombre d’incidents racistes a été multiplié par dix : de 4 283 qu’ils étaient, ils sont passés à 47 678, et il a encore plus que doublé depuis, passant à 101 906 en 2023 (rien qu’en Angleterre et au Pays de Galles). Notons qu’au Royaume-Uni, la police fait une différence entre crimes racistes et crimes dus à la haine religieuse (crimes principalement antimusulmans), dix fois moins nombreux selon ses chiffres.

L’EXTRÊME DROITE A CHANGÉ, MAIS AUSSI LA GAUCHE

Depuis les crises du pétrole de 1973, et les crises économiques mondiales qui ont suivi, des partis d’extrême droite se sont développés un peu partout en Europe. Ces partis se sont présentés aux élections arborant un racisme « à visage humain », pour ainsi dire, et leur influence dépasse aujourd’hui de loin celle des groupuscules les plus violents. Quant à l’usage de la violence pure et dure, ils font confiance, sans en avoir trop l’air, à la terreur d’État. Ils y croient dur comme fer.

Leur popularité a été facilitée par trois facteurs :

1. Prudente et hypocrite, l’extrême droite ne donne plus officiellement la priorité à la « race » des étrangers, mais à leur religion, ou, encore plus, à leur culture. Un Malien, un Turc, ou un Pakistanais, n’est plus présenté comme une personne inférieure aux « Blancs », aux « Européens », mais comme une personne d’une culture, d’une « civilisation » incompatible avec la « culture » française, anglaise, ou allemande. Ainsi Marine Le Pen a déclaré en 2008 : «L ‘Europe ne sera plus l’Europe, elle deviendra une république islamique. Nous sommes à un tournant, et si nous ne protégeons pas notre civilisation, celle-ci va disparaître. Oui, je suis attachée à la nation. Je veux préserver notre identité culturelle et historique».

2. Les nouveaux partis d’extrême droite, pour dissimuler leur racisme, mettent en avant la défense de l’identité nationale : le Rn par exemple exclut assez souvent des militants, quand ils écrivent des tweets racistes ou antisémites, ou se filment avec un insigne hitlérien ou en faisant une quenelle.

3. Les partis de droite (et d’ailleurs de gauche aussi) propagent un «racisme de bon sens». Il existe selon eux un « seuil de tolérance » qu’il ne faut pas franchir, ainsi que l’avaient déjà dit Mitterrand et Rocard quand ils étaient au pouvoir : mieux vaut ne pas mélanger les cultures pour qu’elles vivent toutes. Ce qu’il faut absolument développer c’est «l’assimilation», c’est-à-dire imposer d’autorité la «culture» nationale de la majorité aux membres des nouvelles minorités nés à l’étranger. Ainsi Sarkozy a pu déclarer le 20 mars 2015: «Nous voulons garder notre mode de vie. Celui qui nous rejoint doit s’assimiler, adopter notre mode de vie, notre culture. (…) Garde-t-on ses chaussures quand on visite une mosquée à l’étranger ? (…) Nous souhaitons que ceux que nous continuons à recevoir prennent en compte notre mode de vie, celui que nos grands-parents, nos parents, nous ont transmis et que nous souhaitons transmettre à nos enfants. (…) Nous sommes un pays aux racines chrétiennes, qui appartient à une civilisation, la civilisation européenne

Rien d’étonnant si, sur ce terrain-là, se soient par le suite développés jusqu’à ces cas de « chasseurs de migrants » mis en scène par des faiseurs de vidéos qui font le buzz et gagnent de l’argent. Dans les moins abjects des cas, ils interviewent, ou provoquent les gens qui travaillent dans les centres d’hébergement : les réceptionnistes, ceux qui nettoient les chambres, les vigiles, etc. L’objectif est de provoquer la confrontation avec ces salariés et idéalement avec les demandeurs d’asile et les migrants eux-mêmes. On n’hésite pas à fouiller dans les poubelles pour « prouver » que les résidents bénéficient d’un « traitement de faveur » ou se livrent à des délits ; on n’hésite pas non plus à zoomer sur les fenêtres pour « attraper » les gens dans le « secret » de leurs chambres. Tout cela est accompagné de titres accrocheurs, ironiques et insultants vis-à-vis des immigrés.

Voilà comment, entre autres bassesses de personnages officiels et/ou promoteurs « privées », notre monde, nos pays, et nous-mêmes sommes entrés dans une période nouvelle, difficile pour les travailleurs étrangers et leurs enfants, dans laquelle l’extrême droite prospère et une partie au moins de la gauche est désarmée.

Tout ce sale système de propagande contre les étrangers et les musulmans, même s’il vient de gens parfois très différents, affecte les travailleurs immigrés en France comme ailleurs. Et il faut donc se demander comment résister à tous ces mensonges, ces calomnies, ces faits inventés de toutes pièces : bref, à ce grand amoncellement de fake news sur « les étrangers ».

QUE FAIRE ?

Tout d’abord, ne pas avoir peur. Les gens qui détestent les étrangers ou les musulmans – ou les femmes, ou les homosexuels – ces gens nous pouvons les faire taire si nous nous montrons fiers de ce que nous sommes ; fiers du pays dont nous venons, d’où viennent nos parents ; fiers de nos convictions. Cela ne plaît pas à certains ? Ne plaît pas aux médias officiels qui nous attaquent ? Cherchons donc des alliés sincères (il y en a) pour ne pas être isolés. Cherchons-les pour être plus forts, plus déterminés. Et luttons : luttons sur tous les terrains. Sur celui du travail, sur celui de l’école, de la santé, du logement : pour que tous, étrangers ou pas, nous les travailleurs ayons enfin des conditions de vie décentes.

Devant nous, il n’y a aucune fatalité. L’extrême droite et les racistes ne sont pas tout puissants, loin s’en faut. Les contre-manifestations massives qui ont eu lieu au Royaume-Uni en solidarité avec les musulmans et les demandeurs d’asile l’ont très bien montré.

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La France et les droits des mineurs constamment violés

Interview de Fousseyni, jeune malien

Comment es-tu arrivé en France ?

Je suis parti du Mali à l’âge de 15 ans, suis passé par l’Espagne, et, arrivé à Paris en novembre 2023, j’ai contacté France Terre d’Asile, rue de Tolbiac. Ces gens sont racistes envers les Africains. Si t’es algérien ou marocain, t’as beaucoup plus de chances que si t’es malien ou ivoirien. Et puis cela marche par vagues, en ce moment ce sont des milliers de mineurs africains qui arrivent. D’autres années, c’étaient des mineurs tunisiens ou algériens, ça change. J’ai d’abord dormi à la rue, puis, en décembre, j’ai rejoint un campement organisé par Utopia 56 devant l’école Saint-Merri-Renard, dans le 4e

Comment ça marche un campement ?

Des associations nous aident, nous fournissent les tentes, les couvertures. Souvent on campe sur les quais de la Seine, et quand il y a 4 ou 5 tentes, d’autres arrivent. La police débarque à 6 heures du mat, mais les assocs viennent à 5 heures, emballent les tentes et le reste avant l’arrivée des flics pour qu’ils ne détruisent pas tout.

En décembre, à Saint-Merri, on pouvait aller se laver dans des bains publics pas loin. Des parents d’élèves nous ont aidé à former un collectif. À l’époque il y avait déjà un autre collectif, du Parc de Belleville, mais on ne le connaissait pas. On les a rencontrés à la manif des sans-papiers du 18 décembre, et on a décidé de fusionner: le collectif de Saint-Merri s’est dissous dans celui du Parc de Belleville, et comme j’étais délégué, je suis resté tel dans le collectif commun.

On se réunit au moins deux fois par semaine en Ag de tous les mineurs. Nos objectifs: un toit pour tous; léducation primaire et secondaire, car, même si nous venons de pays colonisés par la France, la plupart d’entre nous ne parlent pas le français; un pass Navigo, parce que nous sommes constamment obligés de bouger; et un pass santé, car, après la traversée, beaucoup sont malades, par exemple de la tuberculose.

Parfois, on n’est pas d’accord entre nous, c’est normal. Certains ne veulent pas participer aux actions et attendent que les délégués fassent tout le boulot. Ou alors ils ne veulent pas manifester avec les sans-papiers adultes, ou avec les familles. Ou bien il y a des embrouilles entre des jeunes de différents pays africains. Mais on essaie de prendre toujours des décisions unanimes.

Comment as-tu pu sortir de la rue?

Avec le collectif du Parc de Belleville, on a organisé plusieurs actions. On a été soutenus par la Csp75 et par divers membres de syndicats et d’associations (Médecins du monde, Médecins sans frontières, etc.). D’abord, on a manifesté sur le parvis de la mairie de Paris, le 5 décembre 2023, avec le soutien d’Utopia, et on s’est infiltrés dans la mairie. On a interpellé la maire en plein conseil municipal et, fin décembre, on a obtenu deux gymnases. En février, on a fait une deuxième action en occupant l’Académie du climat, et ensuite la Maison des métallos d’avril à juin 2024 quand plusieurs dizaines de jeunes ont été expulsés d’un gymnase. On était plus de 200.

Comment cela se passe dans les gymnases?

On change de gymnase chaque mois, car la mairie de Paris négocie avec les mairies d’arrondissement. Dans le 15e, des habitants racistes se sont plaints au maire disant que leurs enfants devaient aller dans un autre gymnase pendant que nous on était logés. Dans le 20e, par contre, où il y avait plein de soutiens, on a été bien accueillis. On dort dans des lits pliants avec deux couvertures et on mange sur place, l’association Alteralia s’occupe de la nourriture. Mais pour se laver on n’a que deux douches, donc le soir on fait la queue jusqu’à minuit. Aucune activité n’est organisée, les soutiens n’ont pas le droit d’entrer. Nous sommes surveillés par quatre vigiles qui, s’il y a bagarre, appellent la police et les flics viennent prendre les empreintes de ceux qui se sont battus.

Quelle est ta situation actuelle?

J’ai été reconnu mineur par le juge et maintenant je dors dans une chambre d’hôtel, avec un coloc. J’ai une référente au Semna (Secteur éducatif mineurs non accompagnés) de l’Aide sociale à l’enfance, mais je ne l’ai vue qu’une seule fois. Au Mali, j’ai été jusqu’à la 3e, du coup j’ai été accepté dans un lycée parisien. Mon hôtel est dans le 10e et, pour manger,  je vais trois fois par jour dans le 18e, à l’association Villa Saint Michel.

Tu continues la lutte?

Bien sûr! On a un groupe WhatsApp pour se tenir tous au courant, pour informer et être informés des réunions. Pour les Ag, on les fait chaque fois dans des lieux différents où nous emmènent les soutiens. C’est parfois à la Bourse du travail. À propos des soutiens, je précise que ce ne sont pas eux les décisionnaires, c’est nous. On a eu des mots ensemble pour avoir la parole dans les réunions à la mairie. Il faut que les autorités entendent les vrais mots qui sortent de la bouche des concernés, pas les mots des soutiens. Au début, la mairie de Paris ne nous prenait pas au sérieux, mais à force on a réussi à se faire entendre. Bien sûr, chaque fois qu’on organise une action, ils nous disent qu’on ne suit pas la «bonne voie», qu’on est «agressifs», etc. Mais c’est nous qui subissons le harcèlement policier, qui avons faim quand nous dormons dans la rue, nous qui n’avons pas d’endroit où nous laver…

On a quelques numéros de téléphone et emails de la mairie de Paris, mais c’est comme si on n’avait rien, ils ne nous répondent pas. Donc on est obligés d’organiser des manifestations, des occupations, etc. Après chaque action, comme par miracle, on nous écoute et on obtient des trucs. La mairie de gauche de Paris ne veut pas salir son image, et elle se débrouille pour trouver des solutions. Depuis décembre 2023, on a obtenu 800 places dans 4 gymnases, pour les mineurs. Et on ne s’occupe pas que de nous-mêmes, mais aussi des familles à la rue. Quand on fait des actions on demande aux familles de venir, elles seront hébergées, elles aussi.

Les Jo vous ont compliqué la vie?

Oui. Dans la «vitrine mondiale» de Paris, les flics ont allègrement détruit beaucoup de campements. Et puis, ils étaient partout, ils contrôlaient tout le temps tout le monde. Et, partout dans les rues, aussi des patrouilles venues de différents pays étrangers. Deux jours avant le début, au moins une centaine de mineurs ont été enlevés de Paris et emmenés dans des Caes de l’Île-de-France (Centres d’accueil et d’examen des situations administratives, normalement réservés aux adultes). Plusieurs jeunes mineurs ont eu des Oqtf, les flics n’ayant allègrement pas tenu compte des extraits de naissance, mais ayant, tout aussi allègrement, ajouté n’importe quelles fausses dates pour certifier que ces mineurs contrôlés étaient majeurs… Dans les réunions à la mairie de Paris, on avait justement demandé que pendant les Jo les gymnases restent ouverts 24 heures sur 24 à cause du danger des contrôles policiers dans les rues. Demande acceptée pour la période entre le 26 juillet et le 9 septembre. Il y a fort à parier que dès le 10 on va revenir à l’ancien système, que les gymnases seront de nouveau fermés le jour, entre 9 et 18 heures.

(3 septembre 2024)

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